Paludisme au Madagascar : Le pays en état d’alerte face à une lutte qui stagne

L'anophèle femelle, responsable du paludisme/ Photo: Getty Images Le dernier rapport mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le paludisme, bien que passé inaperçu à Madagascar, soulève de sérieuses inquiétudes concernant la situation sanitaire sur l'île. En effet, le document met en lumière une augmentation alarmante des cas de paludisme, une propagation dans des régions auparavant épargnées, et l'inefficacité des politiques de lutte contre la maladie, malgré des investissements de plusieurs millions de dollars. Cette situation met mal à l'aise tant les autorités sanitaires malgaches que les instances internationales, qui semblent réticentes à commenter ces résultats. Selon l'OMS, en 2023, environ 6 millions de Malgaches, soit plus d’un habitant sur cinq, étaient touchés par le paludisme. Ce chiffre a presque doublé par rapport à l'année précédente, où l'OMS avait enregistré 2,7 millions de cas. De plus, le rapport signale une augmentation des décès liés à la maladie, avec une hausse de 63 % par rapport à 2015. Madagascar se distingue également comme le seul pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe où le nombre de cas d'infections et de décès continue d'augmenter depuis une décennie. Un expert international, qui souhaite rester anonyme, souligne que l'île est la seule au monde à connaître une telle hausse significative des cas. Une autre donnée préoccupante provient du Sitrep, un rapport du ministère de la Santé, qui confirme la multiplication des foyers infectieux dans les Hautes Terres, une région habituellement protégée par son altitude (plus de 1 100 m). Cette situation est jugée anormale, d'autant plus qu'une épidémie massive dans cette zone avait causé entre 200 000 et 300 000 décès à la fin des années 1980. Les chercheurs attribuent cette évolution à l'augmentation des températures due au changement climatique et à la fréquence accrue des événements climatiques extrêmes. Malgré une augmentation des fonds alloués à la lutte contre le paludisme, passant de 46 millions à près de 85 millions de dollars au cours des trois dernières années, les résultats demeurent décevants. Plusieurs facteurs expliquent cette stagnation : la mauvaise gouvernance, les crises socio-économiques récurrentes, l'accès difficile aux soins de santé, la résistance croissante des moustiques aux insecticides, et l'impact du changement climatique. La récente suspension de l'aide internationale, notamment celle des États-Unis, qui représentait plus de 30 % du budget global de lutte contre le paludisme à Madagascar, accentue les craintes. Cette décision, intervenue en pleine saison des pluies, a déjà entraîné des ruptures dans l'approvisionnement en intrants essentiels tels que les tests de dépistage rapide, les moustiquaires et les traitements. Les chercheurs s'attendent donc à une augmentation significative des infections et des décès. Cependant, une lueur d'espoir réside dans la récente campagne nationale de distribution de moustiquaires imprégnées, réalisée entre octobre et novembre 2024. Un expert interrogé par RFI a souligné que cette initiative pourrait atténuer l'impact négatif de l'absence d'intrants.Face à cet échec flagrant mis en lumière par le rapport de l'OMS, une question cruciale se pose : pourquoi, dans un pays où le paludisme est endémique, la lutte contre cette maladie repose-t-elle presque exclusivement sur l'aide internationale ? Les chercheurs insistent sur la nécessité pour le gouvernement et les bailleurs de fonds de réévaluer leurs stratégies et d'agir de manière plus proactive. Thom Biakpa
0 Commentaire(s)